Gabriel Tsampalieros

    Scénographie - Set and Costume Design (1998)

    PROFIL DE DIPLÔMÉ

    Gabriel Tsampalieros vient de terminer la scénographie de la production Les pieds des anges d'Évelyne de la Chenelière dans une mise en scène d'Alice Ronfard à l’Espace Go. Ils travailleront de nouveau ensemble la saison prochaine sur la production L’imposture, également d’Évelyne de la Chenelière, présentée au Théâtre du Nouveau Monde du 17 novembre au 5 décembre 2009. Ginette Noiseux (Scénographie, 1980) signera les costumes et Éric Champoux (Production, 1997), les éclairages. Parmi la distribution, on retrouvera : David Boutin (Interprétation, 1996), Jacinthe Laguë (Interprétation, 1999), Erwin Weche (Interprétation, 2003) et Hubert Proulx (Interprétation, 2004).

    Entrevue réalisée en mai 2009.

    Qu’est-ce qui vous a conduit vers la scénographie ?

    Dès ma tendre enfance je rêvais d’être architecte. Lorsque que je me suis retrouvé devant les portes de l’université, je me suis naturellement inscrit dans une école d’architecture. Par contre, une fois à l’intérieur, le projet de design architectural y était abordé et enseigné d’une manière beaucoup trop rationaliste pour moi. Comme ma créativité passe d’abord par l’intuition - c’est ce dont je me suis rendu compte plus tard à l’ÉNT - je n’arrivais pas à m’investir dans un projet ni à être personnel. J’aimais le travail et la réflexion sur l’espace, mais je ne me projetais plus dans la profession. J’ai alors interrompu ma formation et je suis parti en voyage en Europe. Là, en discutant de Robert Lepage avec des amis, il y a eu un déclic. J’ai formulé la pensée et le désir de concevoir des espaces plus abstraits, des univers pensés pour des personnages qui habitent une scène, et non plus le monde réel. J’ai réalisé que le théâtre me permettrait de concevoir des métaphores de la réalité et que ce serait là, dans une boîte noire, que ma créativité s’épanouirait. Peu de temps après, je suis rentré à l’ÉNT. (J’ai malgré tout terminé récemment mon baccalauréat en architecture, car j’aime achever ce que je commence.)

    Quel est votre approche sur un nouveau projet ?

    D’abord je lis le texte, bien souvent à la maison. Ensuite, comme je possède une forte capacité de visualisation 3D et que je laisse libre cours à mon instinct et à mes intuitions, les images surgissent rapidement dans mon esprit. C’est l’étape où je rêve et ce n’est pas du tout rationnel : j’ai d’abord une vision d’un décor ou d’éléments de décor que je laisse mijoter quelque temps dans ma tête avant d’amorcer par la suite un travail de compréhension et d’analyse. Puis, quand je suis capable de nommer les choses - pourquoi cette image-là a surgit dans mon esprit - et que l’espace commence à prendre forme, je suis alors prêt à rencontrer le ou la metteur(e) en scène et à lui exposer ma proposition sous forme d’images et de sketches. Je me nourris de ses idées et de sa vision du spectacle et vice versa. Je me réajuste s’il y a lieu. De là s’amorce un travail un peu plus concret : la transposition 2D dans la salle, les proportions, les dimensions du décor, les angles de vision, etc. Et puis finalement, c’est la maquette. Pour moi, c’est dans le 3D que je vois les problèmes et que je trouve les solutions, c’est là que je m’amuse !

    Pour quelle pièce rêvez-vous de faire la scénographie ?

    Mon rêve serait de concevoir une scénographie pour une pièce à grand déploiement de Shakespeare, probablement sur une grande scène européenne. Quelque chose de fantastique comme La Tempête ou Le songe d’une nuit d’été pour leur côté féérique ; ou alors une de ses pièces très sanglantes comme Titus Andronicus pour son côté sombre. Bref, un Shakespeare assez audacieux sur une belle grande scène classique.

    Qu’avez-vous appris à l’École qui vous a aidé dans vos démarches professionnelles ?

    En résumé, ce n’est pas tant la matière que j’ai apprise, mais les rencontres que j’ai faites. Ce qui est extraordinaire à l’École c’est que les gens qui viennent y enseigner sont très près du milieu, ils pratiquent le métier depuis de nombreuses années et possèdent donc une expérience très tangible du théâtre. J’ai eu la chance d’avoir des rencontres artistiques et humaines marquantes avec entre autres Alice Ronfard, François Vincent, Véronique Borboën (Scénographie, 1981) et Danièle Lévesque (Scénographie, 1983) (qui donnait à l’époque un atelier et qui est maintenant la directrice du programme) pour ne nommer que ceux-là. Il y a un véritable partage d’expertise et une rigueur par rapport au travail de création. Tout cela est très précieux.

    Quels conseils donneriez-vous aux diplômés qui se lancent dans le milieu ?

    Je leur dirais d’avoir une ouverture professionnelle, personnelle et humaine ; de voyager et d’essayer plein de choses, de ne pas se spécialiser tout de suite dans un créneau particulier. On est formé pour faire du théâtre, mais on peut évidemment envisager le cinéma, les arts visuels, l’enseignement… Mon conseil serait aussi de saisir chaque occasion, de ne pas la juger - chaque projet nous amène quelque chose. Il est également important d’entretenir de bons rapports avec les gens avec qui on travaille, d’être souple et d’avoir une bonne attitude : il faut éviter le plus possible d’exprimer son mécontentement car il y a toujours quelque leçon à tirer d’une situation où les choses semblent moins bien aller pour nous.

    Que seriez-vous devenu si vous n’étiez pas devenu scénographe ?

    R. Je serais peut-être devenu architecte mais je ne me serais pas trouvé, fondamentalement, comme artiste. À l’École, en deuxième année, je me suis trouvé comme artiste et comme individu grâce aux rencontres et aux voyages que j’ai faits. Dernièrement, j’ai amorcé un travail personnel en arts visuels, un mélange d’architecture, de peinture et de théâtre que je poursuis parallèlement à la scénographie. Après une dizaine d’années de travail d’équipe, ma créativité est maintenant mûre pour une plus grande autonomie.

    "Si j’avais su à l’époque ce que je sais maintenant…"

    Je me serais peut-être un peu moins inquiété du futur. Malgré les épreuves et les difficultés, quand on parvient à faire les bons choix dans la vie, l’avenir ne peut qu’être prometteur. Le temps fait bien les choses pour qui cherche à se connaître et évoluer. Il faut savoir être patient...