Aide-bibliothécaire à la bibliothèque Famille Bleviss de l’ÉNT, Marie-Claude Verdier est responsable du développement de la collection et de la recherche de textes inédits d’auteurs ou d’autrices issu(e)s de la relève, des communautés culturelles ou des Premières Nations et des communautés inuites et métisses.



Avant de vous présenter mes 5 suggestions de lecture, j’aimerais me pencher sur la question suivante : qu’est-ce que la diversité?

Question à la mode mais épineuse, car ce terme à géométrie variable indique à la fois la différence dans la majorité, et donc une certaine forme de minorité ou d’exclusion, mais aussi toutes les facettes de la mosaïque qui appartiennent à notre société. La diversité (mot valise qui englobe mais ne se limite pas à des questions de religion, d’origine, d’orientation et d’identité sexuelle) est au cœur de la société puisqu’elle la compose. C’est la reconnaissance de ce fait qui est problématique. Ce sont la visibilité et sa représentation de la diversité qui sont dorénavant un enjeu majeur. 

Le théâtre est un moyen puissant pour s’adresser simultanément à des individus et à une communauté. Il permet de faire s’élever une voix au milieu de tous, de faire passer l’intime dans le collectif. L’art offre une plateforme pour l’affirmation de l’identité et la reconnaissance de la singularité. Or, le théâtre (et l’art en général), bien qu’il puisse véhiculer des messages et servir à dépeindre une réalité, particulièrement une réalité méconnue et minoritaire, n’est pas tenu d’être didactique ou pédagogique. Le théâtre présente des personnages, fréquemment fragiles et faillibles, qui ne sont pas les porte-voix d’une cause. Il serait regrettable de se méprendre et de penser que les pièces que nous proposons ici sont du théâtre à l’intention d’une minorité prise comme telle et qu’elles ne s’adressent donc qu’à celle-ci. Ces pièces qui abordent avec justesse et nuance des sujets délicats sont justement pour tous, parce qu’elles refusent l’évidence et s’adressent au désir, à l’imagination, à l’intelligence, à l’humour, bref à l’humanité en chacun de nous.



La recette de baklawas, de Pascale Rafie (Écriture dramatique, 1987), traduit en anglais par Melissa Bull sous le titre The Backlawa Recipe.

Disponible à la bibliothèque de l’École nationale de théâtre du Canada

Rita et Nadia sont belles-sœurs. Dans les années 1960, ces deux femmes quittent le Liban, leur terre d’origine, pour s’installer à Ville Saint-Laurent où elles épousent des Libanais. Naïma et Fanny, leurs filles, oscillent entre la compréhension et l’incompréhension. Ces quatre voix de femmes révèlent, sous la forme d’une impressionnante mosaïque, morceau par morceau, des années 1960 aux années 2000, les moments émouvants de l’existence qu’elles mènent tout en tentant d’habiter Montréal, cette ville de tous les possibles où les frontières de leur communauté tendent à les garder en captivité.



Gens du Pays, de Marc-Antoine Cyr (Écriture dramatique, 2000) publié chez Quartett, 2018.

Disponible à la bibliothèque de l’École nationale de théâtre du Canada

Retrouvé paumé dans la rue sans papiers, sans carte, sans argent sur lui. Refusant de jouer le jeu. Une policière le cuisine. Longtemps. Elle lui demande d’où il vient, il répond systématiquement : la France. Elle le questionne sur ce qu’est la France, et il pourrait en apprendre à un véritable français sur sa propre histoire. Mais sa couleur de peau, selon la policière, dit le contraire du mot France. Aurait-il revêtu tous les habits qu’il fallait pour semer le doute ? Si la France est devenue son identité, peut-on se vêtir d’un pays comme d’un habit ? Et la France... veut-elle seulement de lui ?

 

La loi de la gravité, d’Olivier Sylvestre (Écriture dramatique, 2011), publié aux éditions Passage(s).

Disponible à la bibliothèque de l’École nationale de théâtre du Canada

Ça commence comme ça. Cette histoire-là. Le 3 septembre. Rentrée scolaire ordinaire à Presque-La-Ville... si ce n’était de la rencontre fulgurante entre Dom et Fred, deux êtres incandescents qui trouveront en l’autre un refuge contre le monde où la norme tue. Leur serment : traverser vers La Ville, à la fin de l’année, là où on peut être tout ce qu’on veut, semble-t-il. Mais le pont acceptera-t-il de les laisser traverser ? À travers leur combat pour vaincre leurs propres démons se profile la quête d’un genre à soi, unique, qu’on doit imaginer, pour mieux vivre. Et si l’exil vers La Ville ne recelait pas toutes les clés de cette grande quête pour trouver qui on est?

C’est l’histoire de Dom et de Fred, dès l’année de leurs 14 ans, à Presque-La-Ville, avec les oiseaux, la falaise, les grandes lettres blanches et la fausse fusée qui ne décollera jamais. Mais c’est lorsque Fred découvre la vraie identité de Dom que leur histoire commence vraiment. Parce qu’à deux, on est plus forts.

À travers l’amitié improbable entre Fred et Dom, la pièce aborde les enjeux liés à la construction du genre à l’adolescence et pose la question de ce que signifie être un garçon dans une société qui ressemble étrangement à la nôtre, où tout est normalisé. Dans un endroit appelé Presque-la-Ville, les deux protagonistes se confrontent eux-mêmes et leurs camarades de classe tout en contemplant La Ville de l’autre côté de la rivière. À la fin de l’année scolaire, décideront-ils de traverser le pont et de commencer une nouvelle vie en acceptant leur véritable identité? Ou rebrousseront-ils chemin afin d’entrer dans le moule que la société leur propose? La loi de la gravité explore avec intelligence et sensibilité les thèmes de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle. Une ode à la tolérance et à l’acceptation. Des autres et de soi.

 

Where the Blood Mixes, de Kevin Loring, publié chez Talonbooks, traduit en français par Charles Bender sous le titre Là où le sang se mêle.

Disponible à la bibliothèque de l’École nationale de théâtre du Canada

Floyd, un homme qui a perdu beaucoup d’illusions et qui noie autant ses souvenirs que son ennui dans l’alcool, retrouve jour après jour son ami d’enfance, Mooch, à la taverne du village de l’autre côté de la rivière. Il reçoit un jour une lettre de sa fille qui lui a été enlevée par les services sociaux et mise en adoption. Celle-ci, élevée en ville et curieuse de son héritage, aimerait faire sa connaissance et renouer avec ses racines oubliées. Soudainement, deux décennies de fuite et de déni se préparent à le rattraper.

L’œuvre de Kevin Loring réveille la mémoire des pensionnats qui sommeille toujours au plus profond de l’âme de ceux qui y ont passé leur jeunesse. Avec Where The Blood Mixes, le metteur en scène Charles Bender pénètre sans complaisance dans l’intimité quotidienne de ces gens qui n’ont que leur humanité comme ressource pour trouver la résilience.

 

Quinze secondes, de François Archambault (Écriture dramatique, 1993), publié chez Leméac, traduit en anglais par Bobby Theodore sous le titre 15 Seconds, publié par Talonbooks.

Disponible à la bibliothèque de l’École nationale de théâtre du Canada

Parce qu’au moment de sa naissance son cerveau a manqué d'oxygène pendant quinze secondes, Mathieu souffrira toute sa vie de paralysie cérébrale. Ce qui ne l’empêche pas de penser, d’agir, de sentir et d’être relativement autonome. Le plus difficile est peut-être de convaincre une belle fille de l’aimer, ce pour quoi son frère, Claude, pourrait l’aider.